Les ferrailles oeuvrées d’Olivier OTT :
des sculptures-sympathies
"Souvent Olivier Ott rend visite à ses ferrailles désoeuvrées,
en quarantaine de la vie, démonétisées et déclassées.
Il les aime, il s’entretient avec elles, elles lui donnent à admirer,
à rêver et à méditer. Rumination patiente.
Il faut mériter le don des ferrailles, le lever oblique des analogies
qu’elles recèlent. Peu à peu l’amas inerte, exténué, entropique
et disparate s’émeut, devient brasier crépitant de différences,
et celles-ci se mettent à signaler, à révéler par étincelles de
pointillés, des liens, des métaphores, des appariements possibles,
des correspondances. Le tas de ferrailles charrie de l’évidé,
du défoncé, du troué et du saillant, du hérissé, du souple,
du rayonnant, du fragile têtu ou malléable, du massif buté ou
rassurant, du filant comme pinasse et de l’antilopé, du tendu
comme l’arc, du prométhéen torturé, du militarisé et du dansant ...
et bien sûr mille autres choses, qui tendent miroir malin à
notre humaine ménagerie.
Travail de l’imagination - des chaînes sympathiques qui relient,
apparentent, musicalisent, de “l’analogie” qui est “le plus beau
des liens” (“désmôn kallistos... analogia”) selon Platon.
Ecrous et boulons jubilent de servir l’imagination reliante.
Une connexion “sacrée” peu à peu court dans l’assemblage
des débris métalliques, et une sorte de
paganisme-animisme-panthéisme nous souffle, en coulisses,
que tout se tient et se fait signe, d’un fragment à un autre,
comme des animaux à leurs cousins de sculptures et
à nous-mêmes : sympathie est à la fois apparentement du même
et de l’autre et belle compassion mutuelle. Giboyeuses
sont devenues les ferrailles désoeuvrées.
Descartes, un jour, se rendit à une exposition des sculptures -
il faudrait dire des “sympathies”- d’Olivier Ott.
Il en revint troublé, courbé de doutes ; il rejoignit son poêle,
et se surprit à caresser son chat avec chaude sympathie ...
et la pure étendue du monde retrouva sa fourrure perdue."
Bruno Duborgel - 2001